dessin de Xavier
* Souvenirs d'un cours de philosophie *
La révolte fait partie de ces concepts dévalorisés au profit d'autres concepts proches mais
reconnus comme plus pertinents. La révolte est d'abord la réaction, individuelle ou collective,
à une situation de soumission qu'on estime insupportable, mais elle est souvent pensée
comme simple désordre stérile. Elle est à ce titre dévalorisée de trois points de vue :
1) par la faiblesse de son intensité, elle est petite, dispersée, voire individuelle,
2) elle est subjective parce qu'elle émane d'un sentiment d'indignation,
3) faibles et subjectives, elle est vouée à l'échec qui sanctionne toute attitude
idéaliste sans prise sur le réel.
On voit que cette dévalorisation permet à d'autres concepts d'acquérir une pertinence, que ce
soit celui de réforme pour penser le changement dans l'ordre, ou de révolution pour penser
le changement absolu créateur d'un ordre nouveau.
Poser la question de la légitimité c'est déjà remettre en cause cette première approche :
1) en mettant temporairement de côté le critère de succès et d'échec au profit d'une
interrogation sur la valeur intrinsèque de la révolte,
2) dépasser l'opposition du subjectif et de l'objectif par la reconnaissance d'une autorité
propre au sentiment d'indignation,
3) mettre à profit l'idée que la révolte puisse être collective, généralisée, pour devenir
la révolte d'un peuple.
Cette dernière idée est décisive mais problématique du fait de l'ambiguïté de la notion de peuple
qui peut désigner aussi bien :
1) la partie inférieure de la société, la plèbe, la 'populace' : dans ce cas la révolte court
le risque d'être rabattue sur la sédition ou la conjuration, et demeurerait illégitime
par la défense d'intérêts particuliers,
2) une communauté politique unifiée : dans ce cas la révolte ne devient légitime que
dans la mesure où elle est d'emblée pensable comme révolution.
La difficulté inhérente à l'idée d'une révolte d'un peuple consiste à penser la légitimité d'une
contestation qui tend à s'affranchir des cadres et des procédures ordinaires pour se manifester
à la fois en dehors de ce cadre et contre la loi établie. Ce qu'il faut comprendre c'est la légitimité
d'un refus collectif d'obéissance, et cela revient à déterminer les conditions de possibilité d'une
telle légitimité.
Ces conditions dépendent donc de la signification donnée à cette idée peu précise de légitimité :
1) est légitime ce qui est légal, c'est-à-dire reconnu par la loi (autorité légitime),
2) est légitime ce qui est justifié, au double sens de juste et de rationnel
(demande légitime),
3) est légitime ce qui découle d'une nécessité reconnue (légitime défense).